Le Chili est décidément un pays très paradoxal. Comment pourrait-il en être autrement dans un Etat dans lequel il y a à la fois le désert le plus aride du monde, au nord, et les glaciers gigantesques qui font la légende de la région de la Terre de Feu, au sud ? Mais ici les contrastes ne sont pas seulement géographiques, ils sont aussi sociaux, culturels, relationnels. Voici quelques-uns de ces paradoxes « vraiment vrais » :
Un soir, nous allons acheter du sucre dans une petite épicerie de quartier. Une affiche attire notre attention : un Yorkshire a été perdu à Nuñoa, un quartier situé à l’autre bout de la ville. Les propriétaires précisent que la pauvre bête, âgée de 10 ans, souffre de problèmes cardiaques (!) et proposent 1 500 000 pesos à qui le retrouvera : c’est plus de 10 fois le salaire de nos voisins !
Près de chez nous on peut voir arrêtés au même stop une calèche à cheval et le dernier modèle de 4×4, ce dernier ayant été « acquis » dans un quartier riche avoisinant.
Toutes les maisons à 3km à la ronde sont entourées de barbelés et des tessons de bouteilles couvrent les murs, tout le monde ayant peur d’être volé. A tel point qu’une personne nous a dit un jour qu’elle se sentait chez elle comme une prisonnière volontaire. Pourtant, dès qu’on toque chez les gens, pour la première fois, on nous ouvre avec beaucoup de sympathie en nous offrant un café ou un coca.
Nous avons découvert l’existence du coefficient de Gini, mesurant l’écart de répartition des richesses dans un pays. La ville de Santiago est, dans le monde entier, la ville dans laquelle cet écart est le plus important. Par exemple, à moins de 5km de chez nous il y a le grand quartier des affaires de Santiago, l’équivalent chilien de la Défense. Un peu comme si Trappes et Versailles étaient collés.
Ou encore, nous vous avions expliqué que nous entendons très fréquemment les pas d’un cheval trotter près de chez nous. Certains de nos voisins, particulièrement pauvres, ont leur cheval dans une pièce attenante à la maison, comme d’autres ont leur voiture dans un garage. C’est réellement un signe de misère : un cheval coûte beaucoup moins cher qu’une voiture. Dans le même temps, à moins de 2km de chez nous se trouve le plus grand centre équestre de Santiago. On vient de tous les quartiers riches de la ville apprendre à monter à cheval dans ce lieu, nous vous laissons imaginer le prix d’un cours d’équitation… !
Sur les marchés, les commerçants rivalisent d’affection quand ils s’adressent à leurs clients : « mi querida » (ma chérie) par ci, « mi amor » (mon amour) par là… Dans le même temps, nos voisins nous disent tous qu’ils n’ont aucun ami dans le quartier et qu’ils ne peuvent se confier à personne.
On n’a pas vérifié la source mais il paraît que statistiquement, le Chili est le pays le plus sûr d’Amérique Latine. Pour autant ce serait aussi le pays où le sentiment d’insécurité est le plus fort. Ce serait en partie dû au fait que le journal télévisé quotidien dure 1h et tient plus de la revue des chiens écrasés et faits divers en tous genres (suivis en direct, comme une émission de télé-réalité) que de l’information générale…
La pauvreté sociale crée aussi des situations assez paradoxales. Comme cette famille avec 4 enfants que nous connaissons bien. Chaque enfant a une tablette type iPad et un ordinateur dans sa chambre (voire une télévision). Mais aucun n’a d’armoire pour ranger ses vêtements…