Nous revenons tout juste d’une magnifique semaine en Patagonie, accompagnés par les parents de Joséphine qui sont venus nous visiter pendant 15 jours. Après une semaine passée avec eux dans notre quartier à leur faire découvrir notre mission, nous avons filé vers le sud pour découvrir cette région incroyable du bout du bout du monde. Voici le récit de ces quelques jours hors du temps.
Jour 1 – 11 octobre / Santiago – Punta Arenas – Puerto Natales
Aller en Patagonie, c’est d’abord faire l’expérience de l’extrême : depuis Santiago il faut un jour et demi de trajet pour se rendre au Parc de Torres del Paine. Pour cela, nous avons d’abord pris l’avion jusqu’à Punta Arenas, « la ville continentale la plus au sud du monde », c’est ce qu’annoncent fièrement les dépliants touristiques. A peine descendus de l’avion, nous sommes tout de suite saisis par la différence de température, nous avons perdu au moins 15°C depuis notre départ de la capitale chilienne. Nous prenons un taxi pour rejoindre le centre de la ville, en longeant le Détroit de Magellan, quand nous passons devant un panneau « Région de Magellan et du territoire chilien de l’Antartique« . Pas de doute, on est vraiment au bout du monde ! De là, nous montons dans un bus qui nous emmène à Puerto Natales, à 200km au nord, via la « Route du bout du monde ».
Le soir, nous nous couchons en ayant du mal à y croire : ça y est, nous sommes en Patagonie ! Y a-t-il une région au monde qui concentre autant de lieux aux noms aussi évocateurs : Terre de Feu, Cap Horn, Ushuaïa, le Mont Fitz-Roy et tant d’autres fjords, icebergs, îles, presqu’îles et caps ? On comprend mieux pourquoi tant d’hommes ont rêvé de cette région, parfois jusqu’à en perdre la raison : Olivier a pris dans son sac un livre racontant l’histoire aussi incroyable qu’authentique d’un clerc de notaire du Périgord qui, au milieu du XIXe siècle, s’est auto-proclamé Roi de Patagonie. Histoire d’autant plus extraordinaire que le roi Orélie-Antoine 1er de Patagonie (Antoine de Tournens pour l’état civil) n’était jamais allé jusqu’à Périgueux, à 30km de sa maison natale, jusqu’à sa majorité ! Se préoccupant peu de détails aussi insignifiants que de connaître « ses sujets » et de fouler la terre de son royaume -en tout cas dans un premier temps- il a écrit une constitution, nommé des ministres, dessiné un sceau, fait coudre un drapeau, etc. Il se rend finalement 4 fois en Patagonie, en ruinant sa famille au passage, et sera à chaque fois renvoyé en France manu militari. Il mourra à Tourtoirac, en Dordogne, méprisé de tous. L’histoire peut paraître risible et ridicule. Mais comme on comprend cet homme: la Patagonie alimente tellement de rêves et de fantasmes que s’en proclamer roi c’est simplement revendiquer le droit à croire à un rêve ou un idéal !
Jour 2 – 12 octobre / Puerto Natales – Lac Pehoé – Paine Grande – Glacier Grey
Nous devons partir tôt : le bus qui va nous emmener à l’entrée du parc de Torres del Paine part à 7h30. L’air de rien, on s’enquiert du temps auprès de notre hôte : températures négatives, pluie, neige et vent sont au programme de la journée… Parfois, l’ignorance a du bon ! Nous prenons donc le bus sans trop savoir à quoi nous en tenir. 2h30 plus tard, nous arrivons au bord du lac Pehoé où nous prenons un bateau (le « Hielos Patagonicas », c’est à dire « Les glaces de Patagonie », nous voilà dans l’ambiance) pour rejoindre le point de départ du W, sous une pluie battante.
Comme vous allez le découvrir dans la suite de notre récit, le Circuit du W sillonne le Parc de Torres del Paine pour permettre aux randonneurs de découvrir les endroits les plus marquants du Parc en 4 ou 5 jours. Il doit son nom au « w » que le circuit dessine quand on en trace le parcours sur une carte. Pour ceux qui voudraient s’en rendre compte par eux-mêmes, vous pouvez découvrir la carte en cliquant ici.
Après une traversée sans histoire (mais avec déjà beaucoup de vent !) nous arrivons à Paine Grande, véritable point de départ de notre aventure. Il pleut à torrent mais nous ne nous arrêtons qu’un instant au refuge qui marque le début du parcours : 4h de marche nous attendent jusqu’au glacier Grey, il n’y a pas de temps à perdre. Nous nous engageons donc sur le chemin qui monte vers le nord quand la pluie se met à redoubler, puis viennent la grêle et la neige : pas de doute, nous sommes en Patagonie ! Le chemin est d’autant plus difficile qu’il y a du dénivelé, que la grêle nous griffe le visage et que le vent de face (à plus de 90km/h, nous l’apprendrons plus tard !) nous empêche d’avancer au rythme que nous voudrions. C’est trempés, épuisés et même un peu découragés que nous arrivons au refuge Grey après un après-midi entier passé à lutter contre les éléments. On ne peut pas dire que nous ayons profité du paysage tant le ciel était bouché, mais nous avons tout de même aperçu quelques icebergs en longeant le lac Grey. Pour autant, nous voulons absolument aller voir le glacier Grey : nous déposons rapidement nos sacs dans le refuge et continuons à marcher quelques minutes pour voir ce glacier tellement impressionnant de 25km². Le jeu en valait la chandelle : on voit la fin du glacier se jeter dans l’eau d’un lac, ici et là des icebergs battus par les vents : le spectacle est splendide !
Le soir, nous nous réchauffons auprès d’un poêle dans le refuge où on parle d’avantage anglais qu’espagnol. L’occasion pour nous de constater qu’après un an au Chili nous avons beaucoup progressé dans la langue de Cervantes mais nous avons tout perdu dans celle de Shakespeare !
Au vu de la fatigue de la journée, nous décidons de changer de plan et de ne pas aller jusqu’au refuge de Los Cuernos le lendemain (ce qui représente environ 9h de marche) pour aller « seulement » jusqu’au refuge de Paine Grande, d’où nous sommes partis en début d’après-midi.
Jour 3 – 13 octobre / Glacier Grey - Paine Grande
Nous optons pour un rythme à deux vitesses, qui s’avérera être une bonne solution pour les jours à venir : les parents de Joséphine partent un peu plus tôt tandis que nous nous chargeons du picnic et partons plus tard dans la matinée. Nous profitons donc de l’occasion pour retourner voir le glacier tous les deux, nous approcher un peu plus que la veille et prendre encore quelques photos, sûrs que nous ne sommes pas près de revoir de sitôt un glacier tellement grand qu’on croirait voir la banquise !
Nous repartons ensuite en direction de Paine Grande, en redécouvrant sous un jour nouveau (c’est à dire sans pluie) le paysage traversé la veille. En revanche, il y a 15cm de neige sur le chemin ! Parfois, des bourrasques de vent énormes nous envoient balader et nous entraînent complètement sur un côté du chemin ; on croirait presque s’envoler !
Après une pause déjeuner bien méritée où nous nous abritons d’Eole tant que faire se peu, nous reprenons tous les quatre le chemin en dépassant ou étant dépassés par plusieurs personnes que nous avons croisées la veille et que nous retrouverons tout au long de notre périple. Il y a par exemple « les deux Chinoises », qui marchent à un rythme un peu plus lent que le nôtre et prennent notre nourriture en photo dans les refuges, « le couple d’Anglais » qui nous ont impressionnés parce que l’homme marche en petites baskets de sport alors que tout le monde est en chaussures de marche imperméables, « les Américains » (qui s’avéreront être Hollandais) qui marchent à un rythme démentiel et ne semblent jamais rassasiés de kilomètres, « les Français », un couple de Lorrains sympathiques qui débutent un tour d’Amérique latine et marchent pour la première fois avec un sac au dos.
Nous arrivons tôt au refuge de Paine grande et nous installons dans un dortoir avec une vue magnifique au bord du lac Pehoé dont le bleu turquoise contraste à merveille avec l’herbe jaunie du rivage. Avec les montagnes en fond, le spectacle est à couper le souffle !
Jour 4 – 14 octobre / Paine Grande – Los Cuernos
Cette fois, nous partons un peu plus tôt que les parents de Joséphine : eux n’iront pas dans la « Vallée des français » (la pointe du milieu du W) et en y allant nous ajoutons 2h30 de marche au programme du jour. Il ne faut donc pas traîner ! C’est sous un magnifique soleil que nous longeons le lac Nordenjsköld au bleu splendide, admirons la neige sur les montagnes alentour, comptons les oiseaux, les lièvres de Patagonie et les guanacos. Nous sommes seuls au monde ! Tout à coup, nous nous arrêtons en écoutant un grand bruit : une avalanche se déroule sous nos yeux ! Nous continuons jusqu’au Camping des Italiens, au centre du W, où nous déposons nos sacs avant d’entrer dans la vallée des français. L’ascension est magnifique, nous nous arrêtons souvent pour admirer la vue, de plus en plus large, sur le lac et les montagnes en contrebas. Dans les derniers mètres avant le Mirador des français il y a beaucoup de neige.
Une fois là-haut, nous restons un long moment à admirer le paysage splendide. Nous décidons de ne pas pousser jusqu’au Mirador Britanico, au bout de la vallée, pour lequel il faut être équipé de bâtons tant il y a de neige. Nous redescendons tranquillement, récupérons nos sacs et continuons notre route en direction de Los Cuernos, toujours sous un beau soleil. Le nom de Los Cuernos (= les cornes) est dû à deux montagnes côte à côte dont le sommet est plus noir que la base, dessinant ainsi des cornes. En milieu d’après-midi, nous retrouvons les parents de Joséphine et passons un bon moment tous les quatre au bord du chemin. La dernière heure de marche se passe en un claquement de doigts, le chemin est en descente et nos jambes avancent toutes seules. Nous arrivons dans un beau refuge où nous dégustons qui un Pisco sour (cocktail typique du chili) qui une bière Austral, réputée pour être élaborée dans la brasserie la plus au sud du monde. Après l’effort…!
Jour 5 – 15 octobre / Los Cuernos – Las Torres
Nous partons du refuge de Los Cuernos sous un ciel couvert. Nous longeons toujours le lac Nordenskjöld au bleu fascinant. Les paysages changent tous les jours : nous ne sommes plus entourés de montagnes mais de collines verdoyantes et le spectacle des strates, fissures et changements brutaux de niveaux nous fait regretter de n’avoir jamais rien compris à nos cours de géologie !
Nous passons dans des zones où des fleurs jaunes aux parfums entêtants succèdent aux fleurs rouges sans odeur et aux arbres inconnus en Europe. Ensuite, nous traversons des endroits où des oiseaux de toutes les tailles chantent à tue-tête, où des rapaces volent dans tous les sens. Vraiment, la Patagonie est un paradis perdu !
Nous nous arrêtons tous les quatre pour un picnic familial avec vue sur le lac : « là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». Quand on est avec des gens qu’on aime dans un lieu magnifique, le bonheur n’est pas très loin !
En milieu d’après-midi nous arrivons à la fin de notre périple : le refuge de las Torres, à quelques kilomètres des fameuses tours (« torres » signifie « tours » en espagnol) qui ont donné leur nom au Parc national dans lequel nous sommes. Nous ne les verrons que de loin : nous n’aurons pas le temps de faire la dernière partie du W… Heureusement, certains marcheurs nous avaient raconté leurs mésaventures qui nous ont permis de ne pas trop regretter de ne pas avoir pu pousser jusque là : certains sont arrivés au bout du chemin mais les tours étaient enveloppées de brouillard et n’ont rien vu, d’autres, pourtant bien équipés, ont eu la peu de leur vie à cause de la neige glissante, d’autres ont fait le retour sur les fesses…! On se console comme on peut !
Nous faisons la connaissance d’un couple de français très sympathiques, travaillant tous les deux chez Air France. Après nous avoir expliqué comment ils passent leurs vacances à voyager gratuitement ou presque (« Il faut avoir été une fois dans sa vie au Canada pour le week-end » !!!) ils nous ont raconté leur rencontre avec un puma à quelques mètres d’eux, une heure plus tôt ! On avait l’air malins avec notre récit de chouette-trop-mignonne qu’on a réussie à prendre en photo !
Le lendemain, retour à Santiago via Puerto Natales et Punta Arenas, des souvenirs pleins la tête et les yeux… Vive la Patagonie !
Pour voir une partie de nos photos, cliquez ici (nous en ajouterons un peu plus tard) :
Je retiendrai donc essentiellement que ça va déjà faire un an que vous êtes partis, la chouette chevêche ou assimilée et votre temps en famille devant tant de beauté !
Ça fait rêver.
Dites moi si ma pote vous contacte. Elle est en train d’arriver au Chili.
Merci ! Une chouette chevêche ? Ah ouais ? On a vue un nombre de condors incroyable, aussi. Et des trucs-machins avec des ailes et des plumes pour lesquels je ne saurais être plus précis que « z’étaient vach’ment jolis, hein ».
Oui, on a eu un mail de ta pote; on lui a proposé de venir le we prochain !