J’irai prier sur ta tombe

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Fioretti de mission de Misericordia
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Les fiorettis de Carême
Fioretti de mission /16 décembre 2014

Chers amis,

Quelle joie de vous retrouver ! Alors que l’été chilien s’est bien installé et que la chaleur monte de plus en plus, nous venons vous partager les grâces que le Seigneur a répandu dans notre quartier et dans la vie de nos frères ces dernières semaines.

 

Du 8 novembre au 8 décembre, l’Eglise du Chili a vécu comme chaque année le mois de Marie. Cela représente pour nous un temps de mission plus intense avec la Vierge dans les périphéries de notre quartier. L’occasion pour nous de ressortir notre fidéle bus-missionnaire et d’organiser avec la paroisse une caravane mariale dans toute la commune (pour voir la vidéo, cliquez sur l’image). N’hésitez pas à réutiliser le concept chez vous! 
C’est aussi pour nous la fin de l’année scolaire. Nous avons conclu cette semaine, avec beaucoup d’action de grâce, les premiers mois du Centre Educatif Misericordia. Quelle grâce d’être les témoins de l’oeuvre du Seigneur dans le coeur des enfants accueillis et de leur famille. Quelle grâce aussi de pouvoir faire corps avec les volontaires du Centre Educatif sortant pour la plupart tout droit de notre quartier !



Dans quelques semaines, Olivier et Joséphine Mathonat terminent leur année de mission avec nous. C’est l’occasion pour nous de regarder en arrière avec eux et de rendre grâce pour ce premier couple missionnaire pour Misericordia. Merci à Olivier et Joséphine pour le témoignage lumineux qu’ils ont donné pour les plus petits de notre quartier. Merci aussi à chacun de vous, leur parrains, qui avez rendu possible leur présence ici ! Je leur laisse la plume pour un dernier Fioretti de mission de leur part…



En grande union avec chacun de vous dans l’attente de notre Sauveur !
Romain de Chateauvieux


On oublie parfois que notre quartier est en tête de liste des zones les plus dangereuses du Chili. Pendant la journée des enfants jouent dans la rue, des mamans discutent sur le pas de leur porte, quelques ados tapent dans un ballon sur le terrain de foot voisin. Pourtant, de manière cyclique, à chaque période d’accalmie succède une période de violence comme celle que nous avons connue il y a quelques semaines. Dans ces moments-là la tension est palpable dans le Rodeo : on entend des détonations plusieurs fois par jour et on voit de temps en temps une voiture de police s’aventurer dans les ruelles les plus redoutées du quartier.


C’est dans cette atmosphère pesante que nous avons appris la mort de Javier, un jeune d’une vingtaine d’années tué par balle chez lui en plein après-midi par Dylan, un de ses voisins âgé de 17 ans. Dès qu’on nous a annoncé la mort de Javier nous avons accouru chez sa famille et avons pleuré et prié avec ses parents. La famille de Javier est réputée  « infréquentable » dans le quartier : impliqués dans différents trafics, les membres de la famille se disputent à grands cris à longueur de journée, les enfants sont déscolarisés, les relations avec le voisinage sont houleuses, etc. Ayant pris le parti d’être tout à tous, nous les visitons régulièrement comme tous les autres habitants du Rodeo et nous les saluons avec un grand sourire à chaque fois que nous les croisons.
 

C’est grâce à cette relation tissée patiemment depuis plusieurs semaines que le lendemain de la mort de Javier, toute la famille vient à la veillée d’adoration que nous organisons chaque vendredi soir. Eplorés, sous le choc de la mort violente de leur fils, frère ou neveu ils viennent demander à Dieu sa paix. Quelle émotion pour nous de les voir, dans la pénombre de « notre » chapelle,  prier pour le repos de l’âme du jeune défunt.
Le jour de l’enterrement, tout le quartier est sur le pont : les amis de Javier portent son cercueil jusqu’au corbillard, un bus a été affrété pour amener tous ceux qui le souhaitent au cimetière et ceux qui ne tiennent pas dans le bus s’entassent dans toutes les voitures disponibles, dont la nôtre. Le convoi traverse les rues de Santiago sous la fumée des extincteurs brandis à bout de bras hors des vitres des voitures, après qu’un ami du défunt ait vidé le chargeur de son pistolet en pleine rue. Un hommage funéraire comme un autre…
 

Une fois descendus des véhicules, c’est une étrange procession qui s’avance dans les allées du cimetière général de Santiago. Des jeunes qui rient et s’interpellent d’un bout à l’autre du cortège à grands cris en se faisant passer une « cigarette », des proches éplorés, des personnes âgées qui suivent avec peine, la foule de nos voisins qui discute en marchant, et le petit frère de Javier, Alejandro, qui garde un visage impassible comme si tout cela ne le concernait pas.  Tandis que nous approchons de notre destination nous croisons quelques personnes un peu effrayées par cette troupe hétéroclite qui vient « de la banlieue » pour enterrer « le jeune dont on a parlé à la télé ». Nous percevons aussi quelques regards exaspérés qui semblent dire : « Allons, nous sommes dans un cimetière ! Ils ne savent pas se tenir ! ». Etonnement, nous nous sentons très fiers d’être assimilés à cette foule de pas-comme-il-faut, de blessés de la vie, de violents. Nous pensons à la phrase de Jésus : « Je suis venu pour les malades et les pécheurs », « et pour les fumeurs de marijuana et les assassins » ne peut-on s’empêcher d’ajouter.
Au moment où le cercueil descend en terre, il y a un moment de flottement. On n’entend que le morceau de rap qu’un ami du jeune défunt écoute à pleins tubes sur son portable en cet instant crucial. Juana, la maman de Javier, s’approche de nous en pleurant et nous dit, la voix brisée par l’émotion : « Il n’y a ni curé, ni pasteur, ni personne. Est-ce que vous voulez bien faire une petite prière, chanter une chanson ? » « Bien sûr ! Quelle chanson voulez-vous chanter ? » « La plus belle que tu connaisses ! », Répond-t-elle dans un souffle.

Très émus, nous invitons la foule à chanter avec nous «Dios està aqui » (Dieu est ici) puis nous prenons la parole quelques instants pour demander au Père du Ciel d’accueillir Javier, et ceux qui le veulent prient à leur tour à voix haute. La prière se termine par le Notre Père, en se donnant la main. Juste après avoir dit « Et délivre-nous du mal, amen », la foule se disperse. La tension est retombée. La paix de Dieu est descendue sur notre quartier rassemblé au cimetière. Quelle joie pour nous d’avoir été la présence de l’Eglise à ce moment tragique, d’avoir été pauvres parmi les pauvres.



Quelques amies du quartier
Aujourd’hui, nous continuons de visiter régulièrement Juana et sa famille, et nous accueillons la sœur de Dylan trois après-midis par semaine dans le Centre éducatif que nous avons ouvert en septembre. Nous confions à nouveau notre quartier de mission à votre prière et en particulier ceux qui sont animés par un désir de vengeance. Nous vous demandons également de bien vouloir prier pour que ne manque jamais la présence de l’Eglise aux périphéries humaines, sociales, existentielles de notre société.

 

Joséphine et Olivier Mathonat

Missionnaires au Chili depuis novembre 2013



 «Un chrétien porte la paix aux autres. Et non seulement la paix, mais aussi l’amour, la bonté, la fidélité et la joie.».

Tweet du Pape François – Le 15 novembre 2014



Le livre d’Eloi Leclerc « Sagesse d’un pauvre » est presque un classique. Abordant la vie du Poverello sous l’angle du dépouillement le plus profond,  celui du détachement par rapport à l’Ordre franciscain qu’il a créé quelques années plus tôt, on découvre jusqu’où peuvent mener l’abandon, la pauvreté choisie, l’humilité.

Un livre très poétique et pourtant très concret qu’il est bon de relire régulièrement, d’autant plus qu’il nous aide à entrer dans l’intimité de celui que le Pape François a pris pour modèle de son pontificat.

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